Moirae est une exposition lumineuse, sonore, tactile, olfactive et interactive ayant une source vidéo ; elle s’offre comme le tissage d’un linceul recouvrant l’image. Les images vidéo sont converties en échelle de gris et réduites à une définition de sept par sept pixels. Cette nouvelle image mouvante de quarante-neuf pixels de lumière diffuse et moirée est ensuite diffusée par l’intermédiaire de circuits électroniques à l’aide de quarante-neuf ampoules qui font office de pixels lumineux. Ces ampoules sont suspendues du plafond le long de leur champ de câbles d’alimentation de manière à former une grille de trois pieds de côté à quelques millimètres d’un socle. Ces ampoules noircies à la suie sont dirigées vers le bas et projettent la lumière de l’image floue qui se diffuse d’autant plus sur l’écran du socle. L’écran est d’un bassin peu profond de trois pieds de côté rempli de paraffine odorante qui fond sous les assauts caloriques des sources lumineuses dégageant ainsi un parfum dans la salle.

Les images vidéo sources sont variables, contrastées en clair-obscur pour donner plus de mouvement ; des ombres noires sur fond blanc ou des formes blanches sur fond noir. Moirae c’est aussi moirée ; qui a de reflets chatoyants ; l’effet optique des images digitales entre les lignes de pixels et les lignes des figures de l’image. La baisse définition des images de Moirae amplifie le moiré.

L’intensité du courant variable alimentant les ampoules qui projettent l’image vidéo transmutée est mesurée et transfigurée en vibration sonore fluctuée qui est distribuée par le billet de haut-parleurs dans l’espace d’exposition pour créer une ambiance sonore spatialisée indirectement liée à la luminosité de l’image vidéo. Ce courant alimentant les ampoules noircies à la suie les chauffe énormément, ce qui a pour effet les brûler rapidement. Durant que l’installation lumineuse est en fonction et tout le long de son exposition, les ampoules brûlent une à une perforant l’image lumineuse et mouvante de trous noirs permanents ; cela modifie cette image et ce mouvement de lumière et décompose l’image source déjà non reconnaissable. Cela diminue lentement et progressivement l’intensité totale de la lumière et par le fait même du courant l’alimentant, ainsi modifiant l’ambiance sonore de la pièce. La cire sous les ampoules brûlées aura, pour elle-même, tendance à se solidifier par refroidissement et l’odeur ambiante à diminuer. Sur les ampoules noircies des noms incandescents sont gravés. Des noms de personnes qui incarnent symboliquement les vies liées aux fils ; vies qui peuvent s’achever lorsque l’ampoule brûle.

Moirae a une demi-vie, elle est une demi-vie et n’est que par cette demi-vie. Elle s’accomplis dans sa durée et cours vers sa fin ; voilà sa fin en soi. Elle ne court pourtant pas à sa perte car telle est sa finalité. Elle est son propre accomplissement. Elle représente l’inaccessibilité de l’éternel et incarne la fatalité qui lui fut mère. Moirae is the unveilling of the veil. Moirae est le dévoilement du voile et non celui de l’image. Une ampoule a une demi-vie de 1000 heures peut-être, et les changements de courant et le surplus de chaleur diminuent cette durée de vie. On ne peut savoir après combien de temps exactement la moitié des ampoules se seront brûlées à la tâche. Idéalement, la fin de l’installation serait le moment où la dernière des ampoules rendrait l’âme. Biensur, beaucoup d’ampoules, voir la majorité, risque d’être encore fonctionnelles à la fin de toute exposition temporaire de Moirae.